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Une fin d’année 2024 riche en questionnements

Pour notre dernier éditorial de l’année 2024, nous avons décidé de mettre en commun nos idées pour produire un seul texte. En effet, nous en avons trop à dire sur cette fin d’année empreinte de rebondissements et de questionnements.
 
Le début de l’année 2024 a été le théâtre des Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt. Du 13 février au 12 avril, une grande démarche s’est déployée dans douze régions du Québec qui ont pris la forme de rencontres et d’une consultation publique en ligne pour recueillir les commentaires et les propositions de plusieurs intervenants intéressés par la gestion et l’aménagement des forêts. Cette démarche avait pour objectif d’élaborer une vision collective et de déterminer des solutions d’avenir pour optimiser la gestion des forêts du Québec. L’exercice s’est terminé par la tenue d’une grande rencontre nationale à Québec, le 11 avril 2024, où tous les principaux intervenants du secteur forestier avaient été conviés. Les organisations avaient jusqu’au lendemain pour remettre leur mémoire et/ou répondre au questionnaire en ligne. La ministre des Ressources naturelles et des Forêts avait donc bel et bien entendu notre demande de 2023 sur la nécessité de tenir des états généraux de la forêt pour revoir le régime forestier.
 
À la fin du mois de juin 2024, la ministre a déposé son rapport synthèse de la démarche et après, ce fut le silence radio. Nous avons alors multiplié les activités de représentation pour tenter d’obtenir un engagement ferme du gouvernement d’avoir un régime forestier révisé d’ici la tenue des prochaines élections provinciales. Nous avons insisté sur l’urgence d’agir pour donner un peu d’air aux acteurs du secteur forestier qui peinaient à survivre dans ce contexte de crise sectorielle.
 
Au début du mois de novembre 2024, le ministère a organisé des rencontres particulières auxquelles certains acteurs du secteur forestier étaient conviés. L’objectif était de présenter des propositions visant à moderniser le régime forestier sur lesquelles la direction des orientations stratégiques du MRNF travaillait et d’échanger sur celles-ci. Pour y participer, les invités devaient préalablement signer des ententes de confidentialité leur interdisant de révéler les informations leur ayant été présentées. Chaque organisation pouvait tout de même consulter ses membres pour convenir d’une position, en insistant sur le caractère confidentiel de la démarche. Les organisations avaient ensuite deux semaines pour transmettre au MRNF leurs commentaires sur les propositions. Comme demandé, nous avons mis tous les efforts nécessaires pour parvenir à une position concertée de nos membres en un temps record. Ce n’a pas été évident, car notre organisation renferme une grande diversité de coopératives et d’intérêts parfois divergents, mais nous y sommes parvenus.
 
Sans dévoiler le contenu des propositions du MRNF, nous pouvons tout de même affirmer que l’audace des propositions nous a surpris. Lors des consultations de l’hiver et du printemps 2024, nous avions insisté sur l’importance de réaliser une réforme en profondeur du régime forestier pour retrouver de l’agilité, de la prévisibilité et de l’efficience. Il semble que nous ayons été entendus. Bien que les propositions étaient imparfaites et incomplètes, notamment, en ce qui concerne la sylviculture, nous reconnaissons l’effort du gouvernement pour parvenir à des propositions qui changeraient réellement la donne pour le secteur. Nous sommes donc disposés à continuer à travailler avec le MRNF et tous les partenaires du secteur forestier pour parvenir à une proposition améliorée.
 
Caribous forestiers et montagnards
Le dossier du caribou a également retenu une grande partie de notre attention en 2024. En effet, au printemps, plus précisément le 30 avril, le gouvernement du Québec a lancé une consultation de l’ensemble de la société civile sur deux projets pilotes : un pour la population de caribous forestiers de Charlevoix et un autre pour la population de caribous montagnards de la Gaspésie. Les projets pilotes comportaient des intentions de modifications réglementaires et leur application aux territoires ciblés. Cette approche a été utilisée par le gouvernement avant de produire une version complète d’un projet de stratégie parce qu’il jugeait nécessaire que des discussions se poursuivent devant l’ampleur des impacts socio-économiques anticipés d’un projet global de stratégie pour l’ensemble du Québec. La Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF) a déposé un mémoire dans le cadre de ces consultations.
 
Le 17 juin, sur la scène fédérale, le ministre Guilbeault a annoncé son intention d’imposer des mesures de protection par décret d'urgence pour les hardes de caribous de Charlevoix, de Val-d'Or et du Pipmuacan. Des consultations des parties impliquées et intéressées, notamment les communautés autochtones, les communautés locales et les industries, ont été organisées afin de préciser l’étendue des zones potentielles de protection et la portée des interdictions proposées dans ces zones. Selon les documents de consultation, le décret d’urgence à Val-d’Or et dans Charlevoix avait pour but de protéger des zones du meilleur habitat du caribou disponible afin de faciliter la réintroduction dans la nature des animaux qui se trouvent maintenant dans les enclos, tandis que le décret d’urgence à Pipmuacan visait à protéger des zones du meilleur habitat du caribou disponible dans la région afin d’empêcher la poursuite de la dégradation de l’aire de répartition et du déclin de la population.
 
Les consultations ont pris fin à la mi-septembre 2024. À la suite de celles-ci, le gouvernement prévoyait analyser les documents et les commentaires reçus, finaliser son analyse coûts/bénéfices et terminer l’élaboration du décret. Si, entre temps, le Québec dévoile sa stratégie de protection du caribou pour tout le Québec, la menace d’application du décret tombera. Encore une fois ici, la FQCF a déposé un mémoire dans le cadre de ces consultations.
 
À l’écriture de ces lignes, le gouvernement du Québec n’avait toujours pas déposé de stratégie de protection du caribou pour tout le Québec. Le dossier est donc à suivre.
 
Bilan de la saison sylvicole 2024
En début d’année, la grille de taux a de nouveau subi la dernière moitié des effets liés aux résultats de l’enquête sur les coûts 2020-2021, en raison de la décision du MRNF d’étaler sur deux ans l’impact de l’enquête. Bien que nous estimions complètement irréaliste de fonctionner ainsi considérant le niveau de risque que les entreprises sylvicoles doivent supporter, le contexte inflationniste et la situation d’instabilité du secteur, le MRNF et le Bureau de mise en marché des bois (BMMB) ont choisi d’aller de l’avant avec de nouvelles baisses pour ramener les marges bénéficiaires moyennes à 13,3 % pour les travaux mécanisés, 6,5 % pour la régénération artificielle et 5,1 % pour les autres traitements. Selon nous, ces valeurs cibles devraient davantage devenir des limites inférieures afin d’assurer le maintien d’une offre pour la réalisation des travaux, mais nous n’avons pas réussi à convaincre les autorités. 
 
Dans ces conditions, la saison sylvicole 2024 n’a pas été de tout repos. De plus, les coopératives avaient parfois l’impression de se battre sur le marché libre des travaux sylvicoles à armes inégales. En effet, cette année, 21 entreprises émergentes ont remporté un contrat dans les appels d’offres. Les pratiques douteuses de certaines de ces entreprises ont d’ailleurs fait les manchettes. Cela a occasionné beaucoup de questionnements au sein des coopératives forestières quant au système actuel, mais aussi quant aux mesures de contrôle en place pour éviter la concurrence déloyale.
 
Avenir de la sylviculture (grilles de taux, transposition PGES)
Pour la prochaine année, le MRNF et le BMMB nous ont fait part, le 17 octobre dernier, de leur intention d’effectuer une transposition des prix des appels d’offres en sylviculture dans la grille de taux officielle. Un mois plus tard, lors du lancement de la consultation de la grille de taux en forêt publique, le BMMB nous a informés de la décision du MRNF de geler les taux de l’an dernier, c’est-à-dire de ne pas considérer l’indexation calculée pour chaque famille de traitement au lieu d’effectuer une réelle transposition. Il semblerait qu’il voulait se laisser une année supplémentaire pour intégrer une nouvelle année de données et effectuer les calculs. Ce que nous ne comprenons pas dans la logique du BMMB, c’est comment il justifie, par exemple, une baisse de 3,5 % en éducation de peuplement considérant qu’il avait déjà baissé les taux deux années consécutives pour ramener la marge bénéficiaire moyenne des entreprises à 5,1 %. Logiquement, avec une nouvelle baisse, la marge bénéficiaire ne sera plus de 5,1 %, mais plutôt de 1,6 %. À partir de ce constat, nous nous questionnons sérieusement sur la stratégie de couper toute marge de manœuvre aux entreprises sylvicoles. Une question s’impose donc. Voulons continuer à réaliser des travaux sylvicoles au Québec?
 
Pour ajouter à ces difficultés, le 28 novembre dernier, la FQCF était informée du retrait, au plus tard le 17 février 2025, du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) du programme de certification des pratiques de gestion des entreprises sylvicoles (PGES). Le PGES était pour nous un précieux outil pour éviter le plus possible la concurrence déloyale entre les entreprises. Des représentations sont en cours pour trouver une solution à cette situation.
 
La fin d’année 2024 a donc été riche en péripéties et en rebondissements. Souhaitons-nous des solutions pérennes pour la sylviculture et le caribou, de même qu’un nouveau régime forestier pour 2025. Joyeuses Fêtes à tous!
 
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