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Réflexion d’une ingénieure forestière sur l’avenir de sa profession


 Avez-vous déjà pensé à l’évolution du rôle de l’ingénieur forestier dans le temps et à tout le potentiel de développement de cette profession? Moi, oui. J’ai dîné cette semaine avec deux forestiers que j’estime beaucoup. Nous étions tous d’avis que nous devons impérativement changer nos façons de faire dans la gestion de nos forêts, notamment, en accordant plus de latitude professionnelle aux ingénieurs forestiers, d’où l’idée de cet éditorial.
 
Art et science
Je me souviens, lorsque j’étais encore sur les bancs d’école à l’université, on nous enseignait que la foresterie était en même temps de l’art et de la science. On nous expliquait que c’était à la fois l’art et la science de la protection, de la conservation et de la gestion des forêts. On nous disait que l’aménagement forestier s’inscrivait dans un processus de création parce qu’il engendrait un certain type de réalisations, en la forme de travaux sylvicoles, qui permettait la création de différents éléments forestiers comme des ouvertures, des habitats, des andains ou des bordures. Cette réalisation devait se baser sur les connaissances que nous apportait la science, mais aussi sur certaines considérations relevant plus de l’art comme l’harmonie avec les paysages et la considération des différents usages de la forêt. Le tout reposait sur les connaissances que l’ingénieur forestier possédait sur les sciences forestières et sur sa capacité à mettre ensemble tous les éléments du puzzle pour parvenir à trouver la meilleure prescription d’aménagement pour un territoire donné. Wow, avouez que ça donnait le goût de s’investir à fond dans cette profession avec une telle description! J’étais prête à sauver le monde!
 
Perte de latitude professionnelle
Je sais, je sais, je viens de trahir mon âge, mais pour le besoin de la cause, ça vaut la peine. Avec le temps, après la Commission Coulombe, un S­ommet sur l’avenir du secteur forestier québécois, un livre vert, un Rendez-vous de la forêt québécoise, un nouveau régime forestier et j’en oublie certainement, l’ingénieur forestier a perdu de plus en plus de latitude professionnelle. Il est devenu davantage un spécialiste de l’application de normes et de la composition avec des contraintes qui ne cessent de s’additionner et de complexifier son travail. On ne lui demande plus de réfléchir au meilleur traitement à partir de toutes ses compétences professionnelles. Et même s’il voulait le faire, il ne pourrait pas, parce qu’on l’a enfermé dans un rôle d’exécutant et d’applicateur de normes qui dans certaines circonstances ne tiennent pas la route. On dirait que le « gros bon sens » est maintenant devenu chose du passé… Quiconque ayant eu des adolescents à la maison comprend qu’avec un tel portrait, il sera difficile d’attirer et de maintenir des jeunes dans cette profession si nous n’avons pas le courage de changer les choses. 
 
Des changements s’imposent
Bien entendu, je comprends pourquoi nous en sommes venus à cette perte de latitude professionnelle. Nous avons malheureusement perdu la confiance du public et notre image est à refaire. Pourtant, le monde a besoin d’ingénieurs forestiers compétents plus que jamais, qui réfléchissent et qui apportent toutes leurs connaissances et leurs compétences au service de l’aménagement durable des forêts. Les écosystèmes forestiers sont d’une importance capitale pour notre planète, notamment, dans la lutte au réchauffement climatique. Au Québec, la foresterie constitue un domaine crucial tant pour l’environnement que pour nos communautés et notre économie.
 
Le régime forestier doit être modernisé, ce n’est pas la première fois que j’en parle dans cette page. Mais, si nous réussissions à convaincre les instances gouvernementales de procéder à la modernisation, il ne faudrait pas oublier de saisir l’opportunité de donner une plus grande reconnaissance aux avis, conseils et recommandations scientifiques des professionnels impliqués dans l’aménagement des forêts québécoises et de miser davantage sur la latitude professionnelle afin d’éliminer les stériles révisions en cascades.
 
Attentes
Comme ingénieure forestière, je m’attends à ce que le gouvernement démontre suffisamment de leadership et d’ouverture pour revoir les modalités de déploiement du régime forestier afin de faire de celui-ci un modèle d’aménagement durable du territoire forestier soutenu par la population et par les professionnels. L’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) a proposé des pistes très intéressantes à l’aube des élections 2022, il faudrait s’en inspirer!
 
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Novembre 2024

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