L’énergie éolienne, potentiel de développement en forêts privées
Dans un contexte où les coûts de main-d’œuvre et autres ne cessent d’augmenter et où le prix du bois se maintient à un niveau plancher, la perspective d’obtenir de nouvelles sources de revenus stables et garantis provenant du développement éolien peut être très alléchante pour un grand nombre de producteurs forestiers. Comment savoir si une propriété est susceptible d’accueillir un projet éolien ? Comment le réaliser ? Quels revenus espérer ? Quels seraient ses impacts ? Pour répondre à toutes ces questions, Le monde forestier s’est entretenu avec des représentants de l’industrie éolienne. Leur message aux propriétaires : soyez à l’affut, peut-être avez-vous en main un fort potentiel de développement !
Dany Rousseau
Pourquoi parler ces jours-ci de développement éolien dans un journal traitant de foresterie ? Pour l’excellente raison qui suit : la volonté d’Hydro-Québec de tripler d’ici 2035 la capacité éolienne du Québec, ce qui impliquerait d’augmenter de 10 000 mégawatts le nombre de mégawatts d’énergie éolienne installés. Cette volonté, qui s’inscrit en droite ligne avec la détermination du gouvernement québécois de décarboner son économie en favorisant le développement des énergies propres, fait dire à JEAN ABEL, directeur Québec et Canada à l’Association canadienne de l’énergie renouvelable, que les propriétaires de boisés privés ont tout avantage à considérer l’option du développement. « On parle de contrats stables de 20 à 30 ans, pour des projets qui ont une empreinte au sol limitée et qui permettent de continuer d’utiliser le territoire à d’autres fins. Une opportunité de faire partie de l’économie de demain », s’enthousiasme-t-il.
Et les propriétaires qui veulent faire partie de l’économie de demain, comment peuvent-ils procéder ? Les boisés de quelles régions sont-ils susceptibles d’accueillir des projets éoliens ? Si, il y a quelques années, l’éolien a surtout été l’affaire de la Gaspésie et du Bas-St-Laurent, il semble que le vent est en train de changer et que le développement se fera aussi dans d’autres régions.
Hydro-Québec a publié, plus tôt cette année, une carte identifiant les endroits où son réseau serait en mesure d’intégrer des mégawatts supplémentaires provenant de l’énergie éolienne. Un coup d’œil à cette carte permet de constater qu’il y aurait, notamment, possibilité d’ajouter 600 mégawatts (MW) au poste hydroélectrique de la Chamouchouane, à La Doré, au nord du Lac-St-Jean, 400 MW à Rivière-du-Loup, 400 MW à Nicolet, 200 MW à Montmagny, de même que 200 MW dans le secteur des Cantons, en Estrie.
ALEX COUTURE est vice-président développement Canada pour Innergex, un producteur québécois d’énergie renouvelable qui opère une trentaine de parcs éoliens au Québec et ailleurs dans le monde. Il souligne le fort potentiel de développement éolien des secteurs identifiés. « En ce moment, la façon dont on procède, c’est qu’on identifie les gisements éoliens à proximité des lignes transport d’énergie pouvant accueillir des mégawatts additionnels. Ensuite, on identifie les zones où le développement éolien est possible, en tenant compte des règlements en vigueur, des milieux sensibles, et des spécificités du terrain comme les pentes. S’il y a des propriétés forestières, agricoles ou autres d’intérêt dans ces secteurs, on va contacter les gens. S’ils ne veulent pas, on s’arrête là. S’ils sont intéressés, on regarde pour faire des affaires ensemble et s’arranger pour que tout le monde en sorte gagnant. »
Notons qu’en septembre dernier, Hydro-Québec a ouvert les soumissions pour un premier bloc de 1500 MW pour lequel 16 projets totalisant un peu plus de 3000 MW avaient été présentés. En fonction des soumissions retenues, des changements seront apportés à la carte sur le potentiel d’intégration de nouveaux mégawatts. Après la mise à jour de son plan stratégique prévue au cours du présent mois de novembre, on peut s’attendre à ce que la société d’État lance un autre appel d’offres d’énergie éolienne en 2024. Une nouvelle carte mise à jour devrait selon toute logique accompagner cet exercice.
MAXENCE HUARD-LEFEBVRE, chef d’équipe, relations avec les médias chez Hydro-Québec indique que son organisation devrait continuer d’aller de l’avant avec la même orientation qui consiste à procéder par appels d’offres en indiquant aux promoteurs les zones où le réseau était en mesure d’accueillir des mégawatts supplémentaires. « Les projets retenus pour le premier bloc de 1500 mégawatts devraient être conçus pour être réalisés en 2027, 2028 ou 2029. Si, dans un éventuel autre appel d’offres, le délai était repoussé à 2030, il pourrait y avoir de nouveaux changements à la carte du potentiel d’intégration au réseau », prévient-il, en ajoutant qu’Hydro-Québec à l’intention d’ajouter d’autres mégawatts d’énergie éolienne même après les 4000 déjà annoncés pour 2030. « Comparativement aux grands barrages, les projets de production d’énergie éolienne peuvent se réaliser relativement rapidement. De plus, la technologie s’est grandement améliorée. Le profil de production correspond aussi aux besoins québécois, les vents étant généralement meilleurs en hiver. À l’heure de la décarbonation de l’économie, ce sont tous des arguments qui militent en faveur de l’éolien. »
Qu’en est-il des gisements éoliens évoqués par M. Couture ? Bonne nouvelle à cet égard, alors que de plus en plus de sites sont en mesure de se classer. « Auparavant, il fallait faire la démonstration de la présence d’une vitesse moyenne de vents relativement élevée. Maintenant, grâce à l’évolution des technologies, nous sommes en mesure de faire de la production d’énergie éolienne à partir de classes de vent inférieures », indique M. Couture.
Si, dans le cadre de leurs démarches, les gens d’Innergex identifient les terrains pouvant faire l’objet de développement éolien, les propriétaires peuvent aussi de leur propre chef contacter l’entreprise pour exprimer leur intérêt. « On a régulièrement des appels en ce sens et ça nous fait plaisir d’échanger avec les propriétaires et d’évaluer le potentiel de leur boisé. »
Et combien les propriétaires peuvent espérer obtenir à la suite de l’installation d’une ou plusieurs éoliennes sur leurs terres. M. Couture estime que ce montant peut varier entre 5000 $ et 6000 $ par mégawatt installé pour les nouveaux projets et selon la ressource et la valeur des terrains. Pour une éolienne de 5 MW, le revenu annuel pourrait donc aller jusqu’à 30 000 $ par année. Il s’agit d’un montant important qui a augmenté significativement au fil des années, une situation qui s’explique, notamment, par la plus grande productivité et efficacité des équipements.
À cela, il faut également ajouter des dédommagements tels que prévus dans le cadre de référence d’Hydro-Québec pour, par exemple, la superficie utilisée lors de la construction, l’emprise, de même que les éventuelles pertes de revenus sylvicoles, acéricoles et agricoles. De même, une redevance collective est généralement prévue pour les propriétaires voisins. « Ce cadre de référence établit les barèmes, autant pour les impacts des projets que pour les compensations offertes aux propriétaires concernés. On invite toutes les personnes intéressées à le consulter », affirme M. Huard-Lefebvre.
« Les propriétaires, pour nous, c’est la base de tout ce qu’on fait. Comme entreprise, on a nos bureaux à Longueuil, mais on opère plus de 80 sites de production d’énergie renouvelable dans le monde et ce sont tous des endroits où on est locataires. C’est pour ça que l’acceptabilité sociale et la bonne entente avec les propriétaires, c’est quelque chose qui est primordial. Nous développons des projets communautaires, avec des partenaires comme la MRC et/ou communautés autochtones. Cette collaboration qui se fait dès le début du développement d’un projet permet d’avoir une sensibilité et une connaissance locale de chacun des milieux qu’on développe. On est à l’écoute et on s’adapte », explique M. Couture.
Malgré toutes ces retombées positives, il subsiste toujours des craintes chez certaines personnes quant aux impacts. À ce sujet, M. Couture répond que l’acceptabilité sociale des projets est la priorité de son entreprise et qu’au fil des années, elle a développé une grande expertise dans la collaboration avec les propriétaires agroforestiers.
« On a qu’à regarder en Gaspésie et au Bas-St-Laurent où ça s’est fait avec des propriétaires agroforestiers et ça s’est très bien passé. Ce fut le cas, notamment, à Baie-des-Sables. Les projets prennent en moyenne un minimum de 4 ans avant de se réaliser. Les gens pensent à leur affaire. Au fur et à mesure, on les invite à visiter des sites existants pour se faire une meilleure idée. Travailler avec les gens du milieu et faire en sorte que tous sortent gagnants, c’est la force d’Innergex. »
À l’issue du congrès de septembre dernier qui portait sur le thème très pertinent de la diversification, les membres de Groupements forestiers Québec, réunis en assemblée générale, ont adopté une résolution qui concerne le développement éolien et qui était à l’effet de « créer des partenariats avec les principaux acteurs du secteur énergétique afin de permettre aux propriétaires forestiers regroupés de participer au développement des énergies renouvelables au Québec. »
Depuis, les démarches en ce sens vont bon train, le président de GFQ, RÉNALD BERNIER, et le directeur général, VINCENT GARNEAU, devant même rencontrer à la fin du mois de novembre le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, PIERRE FITZGIBBON. Un dossier à suivre!
Dany Rousseau
Pourquoi parler ces jours-ci de développement éolien dans un journal traitant de foresterie ? Pour l’excellente raison qui suit : la volonté d’Hydro-Québec de tripler d’ici 2035 la capacité éolienne du Québec, ce qui impliquerait d’augmenter de 10 000 mégawatts le nombre de mégawatts d’énergie éolienne installés. Cette volonté, qui s’inscrit en droite ligne avec la détermination du gouvernement québécois de décarboner son économie en favorisant le développement des énergies propres, fait dire à JEAN ABEL, directeur Québec et Canada à l’Association canadienne de l’énergie renouvelable, que les propriétaires de boisés privés ont tout avantage à considérer l’option du développement. « On parle de contrats stables de 20 à 30 ans, pour des projets qui ont une empreinte au sol limitée et qui permettent de continuer d’utiliser le territoire à d’autres fins. Une opportunité de faire partie de l’économie de demain », s’enthousiasme-t-il.
Et les propriétaires qui veulent faire partie de l’économie de demain, comment peuvent-ils procéder ? Les boisés de quelles régions sont-ils susceptibles d’accueillir des projets éoliens ? Si, il y a quelques années, l’éolien a surtout été l’affaire de la Gaspésie et du Bas-St-Laurent, il semble que le vent est en train de changer et que le développement se fera aussi dans d’autres régions.
Hydro-Québec a publié, plus tôt cette année, une carte identifiant les endroits où son réseau serait en mesure d’intégrer des mégawatts supplémentaires provenant de l’énergie éolienne. Un coup d’œil à cette carte permet de constater qu’il y aurait, notamment, possibilité d’ajouter 600 mégawatts (MW) au poste hydroélectrique de la Chamouchouane, à La Doré, au nord du Lac-St-Jean, 400 MW à Rivière-du-Loup, 400 MW à Nicolet, 200 MW à Montmagny, de même que 200 MW dans le secteur des Cantons, en Estrie.
ALEX COUTURE est vice-président développement Canada pour Innergex, un producteur québécois d’énergie renouvelable qui opère une trentaine de parcs éoliens au Québec et ailleurs dans le monde. Il souligne le fort potentiel de développement éolien des secteurs identifiés. « En ce moment, la façon dont on procède, c’est qu’on identifie les gisements éoliens à proximité des lignes transport d’énergie pouvant accueillir des mégawatts additionnels. Ensuite, on identifie les zones où le développement éolien est possible, en tenant compte des règlements en vigueur, des milieux sensibles, et des spécificités du terrain comme les pentes. S’il y a des propriétés forestières, agricoles ou autres d’intérêt dans ces secteurs, on va contacter les gens. S’ils ne veulent pas, on s’arrête là. S’ils sont intéressés, on regarde pour faire des affaires ensemble et s’arranger pour que tout le monde en sorte gagnant. »
Notons qu’en septembre dernier, Hydro-Québec a ouvert les soumissions pour un premier bloc de 1500 MW pour lequel 16 projets totalisant un peu plus de 3000 MW avaient été présentés. En fonction des soumissions retenues, des changements seront apportés à la carte sur le potentiel d’intégration de nouveaux mégawatts. Après la mise à jour de son plan stratégique prévue au cours du présent mois de novembre, on peut s’attendre à ce que la société d’État lance un autre appel d’offres d’énergie éolienne en 2024. Une nouvelle carte mise à jour devrait selon toute logique accompagner cet exercice.
MAXENCE HUARD-LEFEBVRE, chef d’équipe, relations avec les médias chez Hydro-Québec indique que son organisation devrait continuer d’aller de l’avant avec la même orientation qui consiste à procéder par appels d’offres en indiquant aux promoteurs les zones où le réseau était en mesure d’accueillir des mégawatts supplémentaires. « Les projets retenus pour le premier bloc de 1500 mégawatts devraient être conçus pour être réalisés en 2027, 2028 ou 2029. Si, dans un éventuel autre appel d’offres, le délai était repoussé à 2030, il pourrait y avoir de nouveaux changements à la carte du potentiel d’intégration au réseau », prévient-il, en ajoutant qu’Hydro-Québec à l’intention d’ajouter d’autres mégawatts d’énergie éolienne même après les 4000 déjà annoncés pour 2030. « Comparativement aux grands barrages, les projets de production d’énergie éolienne peuvent se réaliser relativement rapidement. De plus, la technologie s’est grandement améliorée. Le profil de production correspond aussi aux besoins québécois, les vents étant généralement meilleurs en hiver. À l’heure de la décarbonation de l’économie, ce sont tous des arguments qui militent en faveur de l’éolien. »
Qu’en est-il des gisements éoliens évoqués par M. Couture ? Bonne nouvelle à cet égard, alors que de plus en plus de sites sont en mesure de se classer. « Auparavant, il fallait faire la démonstration de la présence d’une vitesse moyenne de vents relativement élevée. Maintenant, grâce à l’évolution des technologies, nous sommes en mesure de faire de la production d’énergie éolienne à partir de classes de vent inférieures », indique M. Couture.
Si, dans le cadre de leurs démarches, les gens d’Innergex identifient les terrains pouvant faire l’objet de développement éolien, les propriétaires peuvent aussi de leur propre chef contacter l’entreprise pour exprimer leur intérêt. « On a régulièrement des appels en ce sens et ça nous fait plaisir d’échanger avec les propriétaires et d’évaluer le potentiel de leur boisé. »
Et combien les propriétaires peuvent espérer obtenir à la suite de l’installation d’une ou plusieurs éoliennes sur leurs terres. M. Couture estime que ce montant peut varier entre 5000 $ et 6000 $ par mégawatt installé pour les nouveaux projets et selon la ressource et la valeur des terrains. Pour une éolienne de 5 MW, le revenu annuel pourrait donc aller jusqu’à 30 000 $ par année. Il s’agit d’un montant important qui a augmenté significativement au fil des années, une situation qui s’explique, notamment, par la plus grande productivité et efficacité des équipements.
À cela, il faut également ajouter des dédommagements tels que prévus dans le cadre de référence d’Hydro-Québec pour, par exemple, la superficie utilisée lors de la construction, l’emprise, de même que les éventuelles pertes de revenus sylvicoles, acéricoles et agricoles. De même, une redevance collective est généralement prévue pour les propriétaires voisins. « Ce cadre de référence établit les barèmes, autant pour les impacts des projets que pour les compensations offertes aux propriétaires concernés. On invite toutes les personnes intéressées à le consulter », affirme M. Huard-Lefebvre.
« Les propriétaires, pour nous, c’est la base de tout ce qu’on fait. Comme entreprise, on a nos bureaux à Longueuil, mais on opère plus de 80 sites de production d’énergie renouvelable dans le monde et ce sont tous des endroits où on est locataires. C’est pour ça que l’acceptabilité sociale et la bonne entente avec les propriétaires, c’est quelque chose qui est primordial. Nous développons des projets communautaires, avec des partenaires comme la MRC et/ou communautés autochtones. Cette collaboration qui se fait dès le début du développement d’un projet permet d’avoir une sensibilité et une connaissance locale de chacun des milieux qu’on développe. On est à l’écoute et on s’adapte », explique M. Couture.
Malgré toutes ces retombées positives, il subsiste toujours des craintes chez certaines personnes quant aux impacts. À ce sujet, M. Couture répond que l’acceptabilité sociale des projets est la priorité de son entreprise et qu’au fil des années, elle a développé une grande expertise dans la collaboration avec les propriétaires agroforestiers.
« On a qu’à regarder en Gaspésie et au Bas-St-Laurent où ça s’est fait avec des propriétaires agroforestiers et ça s’est très bien passé. Ce fut le cas, notamment, à Baie-des-Sables. Les projets prennent en moyenne un minimum de 4 ans avant de se réaliser. Les gens pensent à leur affaire. Au fur et à mesure, on les invite à visiter des sites existants pour se faire une meilleure idée. Travailler avec les gens du milieu et faire en sorte que tous sortent gagnants, c’est la force d’Innergex. »
À l’issue du congrès de septembre dernier qui portait sur le thème très pertinent de la diversification, les membres de Groupements forestiers Québec, réunis en assemblée générale, ont adopté une résolution qui concerne le développement éolien et qui était à l’effet de « créer des partenariats avec les principaux acteurs du secteur énergétique afin de permettre aux propriétaires forestiers regroupés de participer au développement des énergies renouvelables au Québec. »
Depuis, les démarches en ce sens vont bon train, le président de GFQ, RÉNALD BERNIER, et le directeur général, VINCENT GARNEAU, devant même rencontrer à la fin du mois de novembre le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, PIERRE FITZGIBBON. Un dossier à suivre!
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