Le caribou forestier et les bienfaits du « gris »
Avez-vous remarqué que pour être écouté de nos jours il faut être de plus en plus polarisé ? En effet, l’attention des médias se concentre généralement sur les dénonciations, les catastrophes et, quand on est chanceux, les grandioses bonnes nouvelles. Personne ne veut entendre la voix de quelqu’un de beige ou de gris. On veut du noir ou du blanc pour pouvoir rapidement nous placer dans une case. Le dossier de la protection du caribou forestier ne fait pas exception. Vous représentez une entreprise forestière, donc vous êtes contre le caribou. Ça y est, vous êtes maintenant dans une case ! Mais, la réalité n’est pas aussi simple. Il est possible de vouloir protéger les emplois et la vitalité de nos communautés et de vouloir en même temps protéger le caribou forestier. Les solutions sont plus difficiles à trouver, mais n’est-ce pas là le principe même du développement durable : un développement qui s’inscrit dans une perspective long terme et intègre les contraintes écologiques et sociales à l’économie ? C’est ce que veulent les coopératives forestières et tant pis pour le « gris » !
Les coopératives forestières contribuent à l’occupation dynamique du territoire québécois depuis plus de 80 ans. Leurs attributs, soit le recours au modèle de la coopération et leur implication dans le secteur forestier, leur permettent de jouer ce rôle de premier plan dans la vitalité des communautés.
Le modèle coopératif contribue à l’économie des régions depuis plusieurs décennies. Il est toutefois toujours méconnu dans plusieurs cercles de la société québécoise et malheureusement aussi souvent négligé dans l’application des politiques et programmes gouvernementaux. Sa contribution positive s’appuie sur ces raisons :
• Il s’agit d’entreprises démocratiques qui misent sur l’implication de leurs membres par leur prise en charge de leur avenir en tant qu’entrepreneurs collectifs, en tant que travailleurs et en tant que producteurs forestiers;
• Ce sont des entreprises pérennes, parce que leur raison d’être consiste à satisfaire les besoins de leurs membres. D’ailleurs, selon une récente étude menée par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, les coopératives seraient deux fois plus nombreuses que les autres formes d’entreprise à passer le cap des 10 ans ;
• Les membres des coopératives mettent en commun leurs ressources financières, ce qui leur permet d’entreprendre ensemble et de créer de la richesse ;
• Le modèle d’affaires des coopératives se caractérise par l’ancrage dans la communauté où s’effectue le partage de la richesse plutôt que de l’exporter vers les détenteurs de capitaux externes à la région où la coopérative travaille, ce qui optimise les retombées localement. Cet ancrage limite également le risque de voir ces entreprises se délocaliser, ce qui fait qu’elle contribue d’une manière durable à l’économie de leur localité;
• Enfin, la mise en réseau des coopératives, à travers la Fédération québécoise des coopératives forestières, permet des économies d’échelle et de rendre accessibles des biens et services qui seraient impossibles à obtenir d’une manière isolée. Sans altérer leur présence locale, les coopératives aspirent localement et à petite échelle au même niveau de performance que les grandes entreprises.
Le secteur forestier, lui, est depuis longtemps un très grand contributeur pour l’occupation du territoire. Il génère des retombées économiques dans au moins 902 municipalités, soit 83 % des municipalités du Québec, et il constitue un pilier économique important pour 152 municipalités québécoises. Plus précisément pour les coopératives forestières, elles sont actives dans toutes les activités de la chaîne de valeur de la forêt publique et privée.
Les coopératives forestières sont donc particulièrement bien placées, grâce à leur modèle coopératif, leur implication très large dans toute la gamme des activités forestières et leur connaissance très fine de leur milieu pour trouver des solutions innovantes pour la protection du caribou forestier. Elles sont aptes à évaluer tous les impacts potentiels des différentes mesures de protection de ce cervidé sur leur milieu et les communautés où elles sont implantées.
Pour reprendre les mots de Nancy Gélinas, présidente de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, citée dans l’article du journal Le Quotidien du 31 août 2022 : « Il aurait fallu une étude qui tienne compte de la structure industrielle de chaque région, puisque les impacts seront différents en raison de la réalité de chacune des régions. ».
Sur ce point, je rejoins Mme Gélinas. J’invite donc les décideurs à contacter les coopératives forestières des régions touchées par les mesures de protection du caribou pour les aider à trouver des solutions concertées et innovantes qui sauront protéger à la fois ce grand cervidé et les communautés qui vivent de la forêt. N’hésitez pas à faire appel à la matière GRISE des coopératives forestières !
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