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La prochaine fenêtre d’opportunité pour la biomasse

Au moment de l’entrevue, la COP 26 allait débuter sous peu. Bien des espoirs étaient alors tournés vers ce rassemblement international, dont celui d’une taxe carbone avec plus de mordant. Une plus grande « pénalité » pour les grands producteurs d’émissions polluantes deviendrait une réelle opportunité pour l’industrie de la biomasse forestière. L’occasion était donc belle de discuter de ce sujet avec Eugène Carrier qui prône les vertus de cette filiale depuis bon nombre d’années.

Nathalie St-Pierre

Être à la bonne place au bon moment

Alors que Eugène Gagné était impliqué auprès des coopératives forestières, le gouvernement Charest a déposé le premier plan de lutte aux changements climatiques. Un plan d’action établi sur les années 2006 à 2012 qui assurait un certain budget pour le développement de la bioénergie. La Coopérative forestière de la Matapédia s’intéressait déjà à ce sujet. « C’est ce qu’on appelle être à la bonne place au bon moment, raconte M. Gagné. On avait monté un projet d’utilisation de la biomasse pour voir dans quel contexte ça pourrait être intéressant­. »

Ainsi ont été évaluées les différentes avenues en tenant compte des retombées en termes d’emploi pour la coopérative, une valorisation optimale de la ressource ainsi que le travail à effectuer et la disponibilité des ressources humaines pour le faire. « Parfois, certains créneaux semblent intéressants, mais il faut s’assurer qu’on pourra mobiliser la ressource donc d’avoir les moyens de récolter », précise M. Gagné. Après ces évaluations et quelques voyages d’études en Europe, c’est la filière de la chauffe qui a été considérée comme la plus importante.

Quelques embûches sur le parcours

Les sommes débloquées avec le plan du gouvernement Charest ont vite été épuisées tellement les projets ont afflué. Puis est arrivée la crise financière de 2008. « C’était une période assez difficile, mais avec un intérêt assez large, notamment dans les milieux ruraux pour qui ça représentait une belle activité, se souvient M. Gagné. Nous avions aussi un grand support de la part des universités. »

Un programme fédéral ainsi que des sommes provenant du Fondaction de la FTQ et d’investissement Québec ont ouvert de belles perspectives. « C’était stimulant et intéressant, malgré les embûches. De grands joueurs bénéficient aussi de ces sources de financement. Des entreprises comme Energir pour le gaz naturel et Hydro-Québec. Malgré nos convictions, on était entouré de grands et on devait essayer de prendre notre place au soleil. »

La prochaine fenêtre d’opportunité

L’augmentation du coût du gaz et la hausse espérée de la bourse carbone dans la foulée de la COP 26 représentent selon M. Gagné la prochaine fenêtre d’opportunité. « Une hausse jusqu’à 170 $ la tonne en 2030, alors qu’on est présentement à 30 $, changerait la donne. On sent que le fédéral impose l’accession au carburant. Les rapports d’émission de GES sont de plus en plus alarmants. Il y a encore des obligations qui devront être prises à la COP 26. »

Bien qu’une taxe carbone plus élevée viendrait créer un marché pour d’autres énergies renouvelables, la biomasse forestière ne serait pas seule à tenter de s’approprier ses parts de marché. Pensons à l’énergie solaire, l’éolien, la géothermie. « On doit travailler toutes ces énergies », croit M. Gagné.

La filière de la biomasse

La filière de la chauffe est très intéressante en circuit court, mais l’utilisation locale de la biomasse ne permettra pas d’utiliser toute la ressource disponible. Il faut donc explorer les biogaz, les biocarburants et les granules.

Il subsiste tout de même un écueil, celui de la partie économique. Il est difficile de se baser sur le long terme compte tenu de ce qui se passe dans l’industrie des énergies fossiles. « C’est vraiment la taxation qui fait une différence. La taxe carbone, c’est un enjeu qui alimente toute la société, pas seulement les grands consommateurs », souligne M. Gagné.

La performance de la biomasse est aussi un enjeu qui nécessite la volonté de mettre en place des projets structurants. « On a longtemps demandé que des édifices publics soient convertis à la biomasse. La production est encore mince. Si on doublait l’utilisation du produit, on aurait plus d’efficacité, de meilleurs coûts sur le transport et une plus grande sécurité d’approvisionnement. »

Pour imager l’enjeu, M. Gagné donne en exemple que lorsqu’on a un véhicule qui fonctionne au diesel, on n’imagine même pas y mettre de l’essence. Il en va de même lorsqu’une industrie décide d’utiliser un four à biomasse. Si le four nécessite une biomasse à 15 % d’humidité, il faut s’assurer que les granules qui seront livrées respecteront ce critère.

« En Europe, on produit déjà des plaquettes et des granules normalisées, mais on n’est pas encore rendu là au Québec. Et ça n’aide pas à mettre en place une filière. C’est pour ça que ça prend des projets structurants » poursuit M. Gagné. Et il s’agit encore ici d’un combat de petits contre les grands où ces derniers réussissent souvent à imposer leurs solutions au détriment de celles de la filière de la biomasse.

Le biogaz pourrait aussi devenir un créneau intéressant pour la biomasse forestière. Des procédés techniques utilisant des matières végétales comme le maïs font tranquillement leur chemin. Si l’efficacité de ces procédés se développe, il pourrait y avoir là un potentiel de développement pour la biomasse forestière.

Un souhait pour l’avenir

« J’ai des enfants et deux petites-filles. J’ai de la misère à accepter de voir toutes sortes de stratégies politiques ou commerciales pour se donner un côté vert en achetant de crédits carbone alors que les gens sont prêts à développer des alternatives. Il ne faut juste pas leur mettre des bâtons dans les roues. Il y a beaucoup d’études de faites au Québec sur la façon de récolter la biomasse en minimisant l’impact sur l’exploitation forestière. On a ce qu’il faut pour le faire le plus adéquatement possible », conclut-il.
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Novembre 2024

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