De l’eau dans le gaz!
Après 12 ans comme président de Groupements forestiers Québec, j’ai appris qu’il faut toujours demeurer sur ses gardes. Que Murphy était probablement un forestier. En effet, la sortie de la crise causée par la pandémie de Covid-19 nous laissait croire à une embellie pour le secteur forestier. Qui plus est, même s’il est encore en deçà des attentes des propriétaires, le marché du bois est bon.
Malheureusement, la forte augmentation des coûts d’opération des travaux forestiers jette beaucoup de sable dans l’engrenage. Deux causes majeures. D’une part, l’inflation qui atteint des sommets rarement vus depuis quelques décennies met une pression à la hausse sur les salaires et les biens nécessaires aux opérations. La deuxième et non la moindre est la hausse vertigineuse des coûts de carburant. On parle parfois du simple au double. Et comme les équipements forestiers ne sont pas nécessairement reconnus pour être économes en carburant, cette situation nous propulse droit dans une nouvelle crise.
Le BMMB procède actuellement, tant en forêt publique que privée, à une étude de coûts afin d’alimenter la grille de taux. Dès l’année prochaine, nous aurons des données plus représentatives de la nouvelle réalité du secteur forestier. Cependant, ces études ne peuvent régler le problème de la saison actuelle. En effet, historiquement nous devons absorber des variations de coûts annuelles de l’ordre de 1 % à 2 %. Ces variations sont compensées la saison suivante dans la révision des grilles de taux. Or, nos estimations préliminaires indiquent que les travaux mécanisés devront composer avec une augmentation moyenne de 18 % à 20 %. C’est donc dire que malgré l’ajustement des taux en forêt publique qui viennent d’être consentis (environ 4,3 %), nous devrons absorber une variation de coûts de plus de 15 % pour les travaux mécanisés durant l’année.
Le secteur ne peut supporter une telle charge qui correspond à plus du double de la marge de profit considérée dans le calcul des taux. Qu’arrivera-t-il? Une migration des entrepreneurs vers la forêt publique ou pire, le retrait de ces derniers du secteur forestier. Chose certaine, ce sont des coûts auxquels les entrepreneures et les propriétaires de machinerie ne peuvent faire face actuellement. Faute d’entrepreneurs, le début de la saison d’opérations sera largement ralenti, voir compromis, tant en forêt privée que publique. Qui plus est, nous nous éloignerons de l’objectif de mobilisation des bois de la forêt privée, faute d’outils pour y arriver.
Dans ce contexte, nous ne pouvons pas attendre les nouvelles données de l’étude de coûts de forêt privée et publique. Nous devons réagir rapidement afin d’assurer un pont cette année. Il s’agit d’un passage obligé pour permettre aux acteurs du secteur de réaliser une saison sylvicole viable tant en forêt privée que publique. L’objectif est de maintenir les entrepreneurs dans le secteur.
Pour ces raisons, nous avons présenté deux demandes au ministre.
1. Créer, une cellule de crise, pilotée par le BMMB, qui aurait comme mandat, pour les travaux nécessitant de l’équipement lourd, tant pour la forêt privée que publique :
a. D’évaluer la gravité de la situation ;
b. Déterminer d’ici trois semaines les actions nécessaires pour limiter les impacts négatifs de la hausse des coûts d’opération.
2. Mettre en place un fonds de suppléance, tant pour la forêt privée que pour la forêt publique, pour absorber cette augmentation de coûts.
À cet effet, il est bon de rappeler que deux problèmes se conjuguent. D’une part, nous devons ajuster les taux pour qu’ils représentent la réalité et d’autre part, cette augmentation de taux diminuera par le fait même les superficies traitées. C’est pourquoi, ce fonds de suppléance est essentiel pour assurer la bonne continuation des opérations et de la mobilisation des bois de la forêt privée.
À ce moment-ci, je n’hésite pas à dire que la situation est critique pour nos organisations. Nous sommes prêts à collaborer à la détermination d’une solution viable pour tous, mais nous devons faire preuve de leadership et réagir promptement. Il en va de l’avenir de plusieurs entrepreneurs, travailleurs et propriétaires forestiers de nos régions.
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